Pour les chefs de chœur et choristes
Émission complète
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Les fichiers audio proposés « aux choristes » vous feront découvrir une superbe et précieuse version de la messe de la Résurrection par les moines de Solesmes en juin 1955, qui n’est pas celle de 1969 communément connue.
Je vous propose d’autre part cette année d’écouter les chants et les commentaires de la belle cérémonie de la Veillée pascale dans un ancien disque des moines de Ligugé puis la messe de la Résurrection par les moines de Solesmes dans la version de 1969 évoquée plus haut. Quant aux textes, qui sont les plus importants de cet office et les admirables symboles qu’ils représentent, vous les aurez de façon exhaustive sur l’excellent site Introibo.
Mais auparavant, retenons cette année le sublime Exsultet. Écoutez-le pendant que vous lirez ces lignes…
La Semaine sainte s’achève normalement par la Vigile pascale célébrée dans la nuit même de la Résurrection. Inaugurée dans l’enthousiasme en 1951, la Vigile pascale sombre, hélas, aujourd’hui dans l’indifférence ; elle a disparu de nombreuses églises et même de certaines cathédrales… Raison de plus pour vous l’exposer et la faire revivre ! Et tout particulièrement l’Exsultet, longue prière chantée au tout début de cette Vigile.
Après la triple exclamation : Lumen Christi ! Deo gratias, qui salue le cierge pascal, symbole du Christ ressuscité, le diacre (ou le prêtre) chante l’invitation à la joie de la Résurrection. C’est le diacre qui en est chargé, dans la pénombre, au pied du Cierge pascal. Ce faisant, il commence par s’adresser à la foule afin qu’elle entre dans la prière, ce qui classe ce chant dans la catégorie des exordes, qui sont des discours d’entrée en matière destinés à capter l’attention.
La longueur de la pièce est exceptionnelle — l’équivalent d’une page A4 de texte très serré — et son style syllabique (quasiment une syllabe par note) la rend comparable au chant de l’Évangile, ce qui se vérifie aussi au plan liturgique puisque le diacre demande la bénédiction du prêtre avant de chanter.
De tous les récitatifs liturgiques, l’Exsultet est celui où le lyrisme atteint sa plus haute puissance d’expression. Le fond n’est rien d’autre que le chant solennel de la Préface. Mais, sans jamais nuire à la ligne mélodique ni à la sobriété du ton primitif, l’artiste qui a conçu ce chef-d’œuvre a su introduire des variantes, la plupart du temps minimes, mais suffisantes à traduire la nuance de solennité ou de joie voulue.
L’Exsultet proprement dit est suivi d’une longue Préface, introduite par le dialogue habituel, qui chante toute l’histoire de la chute et de la Rédemption que symbolise le contraste entre la nuit et la lumière. Oui, Jésus a acquitté à son Père la dette contracté par Adam ; il a délivré son peuple de la servitude d’Égypte ; il a brisé les liens de la mort et il sort victorieux de son tombeau !
Le style musical est donc dépouillé à l’extrême, loin de la richesse habituelle du chant grégorien. La récitation sur une note relativement haute confère au diacre un rôle d’animateur, puisqu’il incite l’assemblée à méditer et prier, et convient à sa situation, face à la flamme du Cierge pascal, donc face à la lumière du Christ pour l’instant encore ignorée par le monde.
O admirable condescendance de la bonté divine ! Pour racheter le serviteur coupable, Dieu a sacrifié son propre Fils ! O péché d’Adam, en quelque sorte nécessaire puisque racheté par la mort du Fils de Dieu. Et la sublime Liturgie, perdant la tête dans l’excès de son enthousiasme, va jusqu’à s’écrier : O felix culpa quæ talem ac tantum méruit habére Redemptórem ! O heureuse faute, qui nous a mérité d’avoir un tel, un si grand Rédempteur ! Ce qu’il nous faut traduire : O ineffable amour, qui d’un si grand mal a su retirer un merveilleux remède !
La Vigile pascale se poursuit ensuite avec la lecture de la création du monde en Genèse 1,1-31 et 2, 1-2, comme pour remettre toute chose à sa juste place. Car alors que nous étions chassés du Paradis originel, que le récit biblique nous rappelle, la victoire du Christ sur la mort nous ouvre les portes d’un Paradis incomparablement supérieur à l’ancien.
Si nous pouvons encore entendre l’Exsultet chanté dans la nuit de Pâques, profitons-en ! Si nous ne l’avons plus, méditons-le…
C’était le but de ces quelques lignes !
Nous sommes parvenus à la messe du dimanche de la Résurrection…
Hæc dies, quam fecit Dóminus : exsultémus et lætémur in ea.
Voici le jour que le Seigneur a fait, passons-le dans l’allégresse et dans la joie.(Ps.117, 24 – Graduel de la messe du Jour de Pâques)

Dimanche 20 avril 2025
Dominica Resurrectionis
DIMANCHE DE PÂQUES
Blanc – Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ
Les chants la messe du Dimanche de Pâques vont exprimer l’allégresse des nouveaux baptisés, et plus généralement l’action de grâce des rachetés. Cependant, c’est seulement dans le Graduel et l’Alléluia que cette joie va éclater.
De tempore paschali : Le temps pascal s’étend du début de la messe de la vigile pascale jusqu’à none du samedi dans l’octave de la Pentecôte, inclusivement.
Ce temps liturgique comprend :
- tempus Paschalis, le temps de Pâques, qui court du début de la messe de la vigile pascale jusqu’à none de la vigile de l’Ascension, inclusivement.
- tempus Ascensionis, le temps de l’Ascension, qui commence aux Ires vêpres de l’Ascension et se poursuit jusqu’à none de la vigile de la Pentecôte, inclusivement
- octavam Pentecostes, l’octave de Pentecôte, qui part de la messe de la vigile de Pentecôte et va jusqu’à none du samedi suivant, inclusivement

– Le site Introibo vous procurera d’intéressants commentaires de Dom Guéranger, Dom Baron, Dom Schuster..
– Vous pouvez entendre la bande sonore de cette émission dès le lundi précédant le dimanche, ici même, en cliquant sur le petit triangle à gauche du curseur ci-dessous et préparer ainsi les chants de la messe dominicale, liturgiquement, spirituellement et …vocalement !
– Allez à la fin de cette page pour accéder au lien qui vous permettra d’obtenir la partition du psaume de communion que nous vous recommandons d’interpréter en alternance avec l’antienne.
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Introït : Resurrexi
L’Introït du Dimanche de Pâques surprend par sa douceur et sa mélodie en demi-teinte.
Ici nous sommes au ciel et c’est le Christ ressuscité qui s’adresse à son Père, lui exprimant de manière très intime son bonheur de le retrouver et sa reconnaissance :
Resurrexi et adhuc tecum sum. Posuisti super me manum tuam. Mirabilis facta est scienta tua.
Je suis ressuscité et je suis toujours avec vous. Vous avez mis sur moi votre main, votre sagesse s’est montrée merveilleuse.
Ce texte est formé de trois versets du psaume 138, qui ne se suivent pas dans le psaume et ont été réunis ici. Mais dans le psaume il n’est pas question de résurrection ; il chante la présence universelle de Dieu, toujours auprès de nous, qui connaît toutes choses et qui nous guide. Le début de psaume est chanté comme verset de cet Introït :
Domine probasti me et cognovisti me, tu cognovisti sessionem meam et resurrectionem meam.
Seigneur vous m’éprouvez et vous me connaissez, vous savez quand je me couche et quand je me lève.
Mais en ce Dimanche de Pâques ces paroles doivent être mises dans la bouche du Christ ; Sessionem meam et resurrectionem meam ce n’est plus seulement le coucher et le lever, c’est la mort sur la croix et la résurrection, et le mot resurrexi prend tout son sens. Le mot adhuc (encore, toujours), c’est l’éternité bienheureuse, où le Fils retrouve son Père après avoir accompli sa mission sur la terre, mission dans laquelle la main de Dieu l’a toujours guidé, et où sa sagesse infinie s’est vraiment montrée admirable.
Comme dans tous les chants du temps pascal ce texte est ponctué d’Alléluias à la fin de chaque phrase. La mélodie presque immobile et immatérielle est vraiment céleste. La joie et l’amour qu’elle exprime transcendent tous les sentiments humains.
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Graduel : Hæc dies
À partir de dimanche prochain, et durant tout le temps pascal, le Graduel sera remplacé par un Alléluia ; il y aura donc à la messe deux Alléluias qui se suivent. Mais en ce dimanche de Pâques et durant toute la semaine, il y a encore un Graduel, dont la première partie est reprise chaque jour ; elle est également chantée à la place de l’hymne à toutes les heures de l’office. C’est vraiment le refrain de la fête de Pâques exprimant la joie inépuisable des chrétiens :
Hæc dies quam fecit Dominus, exultemus et lætemur in ea.
Voici le jour que le Seigneur a fait, passons-le dans la joie et l’allégresse.
Ce texte est un verset du psaume 117, le grand cantique pascal d’action de grâces, dont nous trouvons le début dans la deuxième partie du Graduel :
Confitemini Domino quoniam bonus, quoniam in sæculum misericordia ejus.
Louez le Seigneur car il est bon, car sa miséricorde est éternelle.
La mélodie de ce Graduel est une mélodie type que nous avons déjà souvent rencontrée, et dont les vocalises souples et légères conviennent parfaitement pour exprimer la joie de Pâques. Elle comporte en plus quelques formules particulières, et surtout dans la deuxième partie, sur les mots quoniam bonus, une grande envolée vers l’aigu d’un enthousiasme extraordinaire.
Alléluia : Pascha nostrum
En ce dimanche de Pâques nous retrouvons l’Alléluia, qui avait été supprimé durant le temps de la Septuagésime et du Carême, et remplacé par un Trait.
Le texte du verset de cet Alléluia est très court ; il est tiré de la première Épître de saint Paul aux Corinthiens qu’on lit en ce jour :
Pascha nostrum immolatus est Christus.
Notre agneau pascal qui a été immolé c’est le Christ.
Ici c’est la mélodie qui est reine et qui exprime la joie de Pâques avec exubérance. On notera toutefois un contraste entre l’Alléluia lui-même, qui reste encore grave et assez retenu, et le verset, surtout la grande vocalise du mot immolatus qui s’élève et plane dans les hauteurs avec une légèreté presque immatérielle.
Séquence : Victimæ paschali
À la fin du verset Pascha nostrum de l’Alléluia du dimanche de Pâques, on ne reprend pas le mot Alléluia comme d’habitude après le verset, car il est suivi d’une Séquence. C’est une des cinq séquences qui ont été conservées dans la liturgie romaine parmi toutes celles qui avaient été composées au Moyen-Âge.
Celle-ci date probablement du XIe siècle ; elle est entièrement syllabique et relativement courte puisqu’elle ne comporte que huit strophes. Le texte est une profession de foi en la résurrection au milieu de laquelle s’insère un petit dialogue très vivant entre les apôtres et Marie-Madeleine, et la mélodie en souligne parfaitement toutes les inflexions :
Victimæ paschali laudes immolent Christiani. Agnus redemit oves : Christus innocens Patri reconciliavit peccatores.
Mors et vita duello conflixere mirando : dux vitæ mortuus regnat vivus.
Dic nobis Maria, quid vidisti in via ?
Sepulcrum Christi viventis, et gloriam vidi resurgentis : Angelicos testes, sudarium, et vestes. Surrexit Christus spes mea : præcedet suos in Galilæam.
Scimus Christum surrexisse a mortuis vere : tu nobis, victor Rex, miserere.
À la victime pascale les chrétiens offrent leur louange. L’Agneau a racheté les brebis : Le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec son père.
La mort et la vie se sont affrontées en un duel fantastique : le maître de la vie est mort, mais vivant il règne.
Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu en chemin ?
J’ai vu le sépulcre du Christ vivant et la gloire du Ressuscité. – Les Anges ses témoins, le suaire et les linges. – Il est ressuscité le Christ, mon espérance : il précède les siens en Galilée.
Nous croyons que le Christ est vraiment ressuscité des morts, et vous roi victorieux ayez pitié de nous.
Offertoire : Terra tremuit
Après les débordements de joie du Graduel et de l’Alléluia, nous retrouvons dans l’Offertoire du dimanche de Pâques l’ambiance calme et contemplative de l’Introït. Et pourtant le texte est grandiose : il est tiré du psaume 75, qui est un chant d’action de grâces après une grande victoire due à l’action divine :
Terra tremuit et quievit dum resurgeret in judicio Deus.
La terre a tremblé, puis s’est tenue en repos lorsque Dieu s’est levé pour le jugement.
Dans le psaume, la terre c’est le pays et tous ses habitants, les peuples qui voulaient asservir le peuple d’Israël. Ils ont tremblé devant l’intervention divine puis se sont tenus en repos définitivement vaincus. En ce jour de Pâques il faut y voir également une allusion au tremblement de terre du vendredi saint, au repos du samedi saint, et à la résurrection qui a entraîné le jugement et la défaite définitive de l’ennemi infernal.
Dans les deux premières phrases, la mélodie part du grave et s’élève en un crescendo plein de mouvement, avant de redescendre d’une façon calme et paisible tout en restant dans une ambiance de joie intérieure et mystique. La troisième phrase est un Alléluia. Comme nous l’avons remarqué à l’Introït, les chants de ce jour sont ponctués d’Alléluias, mais ils sont généralement courts. Celui-ci au contraire est assez long ; il se déroule avec souplesse et sans grands intervalles, comme une vision extatique qui ne veut pas finir.

Communion : Pascha nostrum
Nous retrouvons dans la Communion du dimanche de Pâques, le texte de saint Paul d’où était tiré le verset de l’Alléluia, mais ici la citation est plus longue :
Pascha nostrum immolatus est Christus : itaque epulemur in azimis sinceritatis et veritatis.
Notre agneau pascal qui a été immolé, c’est le Christ : aussi festoyons avec les azymes de la sincérité et de la vérité.
Dans le contexte, saint Paul oppose ces azymes, c’est-à-dire ces pains sans levain, de sincérité et de vérité, au vieux levain de malice et de fourberie. C’est le symbole de la vie nouvelle à laquelle nous sommes nés dans la fontaine baptismale, rejetant toutes les œuvres mauvaises dont nous avons été lavés par le sang de l’agneau. C’est cette joie et cette pureté de nouveau-né qu’exprime la mélodie d’une simplicité, d’une fraîcheur et d’une légèreté délicieuses.
Le site nord-américain Musica Sacra (cliquez sur 1962 Missel puis choisissez l’antienne) nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette l’antienne de Communion.
C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter.

Fresque, 200 × 185 cm, Chapelle Scrovegni, Padoue.