Pour les chefs de chœur et choristes
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Vendredi 18 avril 2025
FERIA SEXTA IN PASSIONE ET MORTE DOMINI
VENDREDI DE LA PASSION ET DE LA MORT DU SEIGNEUR
I classis – 1re classe
DE SOLEMNI ACTIONE LITURGICA POSTMERIDIANA IN PASSIONE ET MORTE DOMINI
LA CÉRÉMONIE LITURGIQUE SOLENNELLE DU VENDREDI APRÈS-MIDI EN LA PASSION ET LA MORT DU SEIGNEUR

► In Parasceve : cliquer ICI pour plus d’explications.
Nous vous proposons d’écouter quelques chants de la fonction liturgique solennelle du Vendredi saint.
Cette cérémonie est très émouvante, l’autel est complètement nu, sans croix, sans chandeliers, sans nappe.
Nous sommes contraints d’opérer une sélection et nous n’écouterons pas les répons qui sont chantés entre les saintes lectures de la 1re partie.
Vous pourrez en revanche entendre chanter cette année tout le magnifique récit de la Passion selon saint Jean dans l’interprétation de la Schola Bellarmina. Voici quelques commentaires sur ce coffret.
SCHOLA BELLARMINA volume 14 (3h40 mn)
Matines du Triduum sacré – environ 30 €
Vous aurez plus d’informations sur le site de l’Association Sacra Musica.
La collection « L’année liturgique en chant grégorien » qu’a commencée l’abbé Bernard Lorber quand il exerçait son sacerdoce à Bruxelles, en 1998, s’est enrichie d’un quatorzième coffret. Les trois disques-compacts sont consacrés aux trois jours de l’office des Ténèbres, c’est-à-dire les matines et les laudes des Jeudi, Vendredi et Samedi saints.
Rappelons que cet office des Ténèbres est chanté à la suite de ces trois jours, normalement à la fin de la nuit ou aux premières heures du jour, mais le plus souvent anticipé la veille au soir.
L’ensemble de ces trois offices, et notamment les vingt-sept répons des matines, constitue un des sommets absolus du répertoire qui a inspiré maints musiciens, de Palestina à Couperin, de Gesualdo à Poulenc…
Il est hélas devenu bien rare d’entendre ces offices dans nos églises et même dans nos cathédrales. Leurs rites sont expressifs quand ils sont bien respectés, avec le grand chandelier triangulaire au milieu du chœur et les 15 cierges que l’on éteint l’un après l’autre après chaque psaume jusqu’au traditionnel « tremblement de terre » final obtenu en tapant sur les bancs avec les livres. Répétons-le : ces chants et ces rites sont d’une beauté insurpassable et profondément émouvants.
L’enregistrement qui nous intéresse est de loin le plus complet que l’on puisse trouver actuellement. Il restitue l’office dans l’ordre chronologique : toutes les antiennes sont chantées, avec quelques versets du psaume (généralement deux) ainsi que toutes les lamentations de Jérémie (VIIe siècle av. J.C), chantées sur une mélodie plaintive pathétique élégie qui se chante sur un mode plein de tristesse, à savoir les trois que comporte chacun des jours saints. Les tons choisis sont celui de nos livres, le romain, mais aussi le ton mozarabe pour quatre d’entre elles, et même un ton orné romain pour la dernière du Samedi.
Aucun des vingt-sept répons, chants de méditation très ornés, ne manque à l’appel.
Il n’a pas été possible de reproduire, faute de place, le chant des antiennes des laudes avec ses cinq psaumes à chaque jour, mais figurent en revanche le Bénédictus avec son antienne et le célèbre Christus factus est, inachevé les deux premiers jours, triomphalement complété le troisième.
Il eût été possible d’accueillir les laudes mais c’est le chant complet de la Passion de saint Jean (28’40) qui a été choisi. C’est une bonne idée, d’autant qu’il est remarquablement interprété par les trois uniques chantres de cet enregistrement :
Le ténor Hervé Lamy incarne magistralement la synagogue et le baryton-basse Vincent Lecornier à la voix profonde est un Christ émouvant.
Bernard Lorber est irréprochable dans son rôle de chroniste grâce à une parfaite domination de l’articulation de la phrase latine dans ce long et éprouvant récitatif.
Les chefs d’œuvre de ces trois jours du Triduum sacré, véritable point culminant de l’art grégorien, ne pouvaient manquer à une « intégrale » consacrée à ce chant liturgique.
Puisse ce coffret aider les chanteurs qui vont interpréter ces pièces sublimes et encourager les fidèles à aller assister à ces trois offices des Ténèbres quand ils leur sont proposés.
Écoutons cette Passion selon Saint Jean dans sa totalité, soit presque 30 min.
D’autres interprètes ont chanté cette magnifique Passion selon saint Jean. Je ne résiste pas cette année à vous la faire écouter dans deux versions de référence. Tout d’abord celle immortelle de Solesmes de 1959 où vous retrouverez la voix chaude et si bien timbrée du P. Boulard et enfin le Chœur Grégorien de Paris. Hervé Lamy était déjà présent en 1985 mais il interprétait l’Évangéliste (ou le chroniste).
Passons à la 3e partie de l’office. Une Croix assez grande est apportée. Elle est couverte d’un voile violet. Le célébrant la reçoit des mains du diacre, la découvre progressivement et en fait l’ostension au peuple…
Ecce lignum Crucis : Voici le bois de la Croix.
Les ministres continuent avec lui….in quo salus mundi pepéndit
Sur lequel le salut du monde a été suspendu
Et le chœur répond, tandis que tous, à l’exception du célébrant, se prosternent.
Veníte, adorémus : Venez, adorons-le.
C’est le 2e disque du coffret de 3 CD de référence 472 810 – 2 du label ACCORD qui nous servira pour toute cette cérémonie du Vendredi saint.
Vous reconnaîtrez aisément le chœur des moines bénédictins de Saint Pierre de Solesmes. Dom Joseph GAJARD les dirigeait. Nous sommes en 1959.
Viennent ensuite les reproches que le Messie adresse au peuple juif, connus sous le nom d’Impropères.
Les Impropères (première partie)
La liturgie du Vendredi saint est un sommet de l’année et les chants sont à la hauteur de l’événement commémoré. Voyons un des moments les plus importants, juste après l’Adoration de la Croix, les Impropères. Nous nous basons sur deux ouvrages édités par Solesmes : le Graduale Romanum de 1979 et le Missel grégorien de 1984. Les textes sont dans la langue de l’Église, le latin.
Les Impropères, en latin Improperia, du mot latin improperium, sont les « reproches » que le Messie adresse à son peuple ingrat qui, malgré toutes les faveurs accordées par Dieu, et en particulier pour l’avoir délivré de la servitude en Égypte et l’avoir conduit sain et sauf dans la Terre promise, lui a infligé les ignominies de la Passion. C’est un émouvant dialogue entre Dieu et le monde, entre le divin Crucifié et ceux qui le livrent au supplice.
A chaque fois, un bienfait de Dieu dans l’Exode est mis en contraste de façon saisissante avec un épisode de la Passion. Le texte est issu de l’Église syrienne antique (d’où la présence le la langue grecque) et a été conservé dans la liturgie romaine.
La 1ère partie commence par l’antienne Pópule meus, sur une mélodie plaintive, remontant à une haute antiquité. Il s’inspire du IVe Livre d’Esdras.
Pópule meus, quid feci tibi ? aut in quo contristávi te ? respónde mihi.
Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je contristé ? Réponds-moi.
Elle est suivie du verset :
Quia edúxi te de terra Ægýpti : parásti Crucem Salvatóri tuo.
T’ai-je fait sortir du pays d’Égypte pour qu’à ton Sauveur tu fasses une croix ?
Puis alternativement le chœur chante le Trisagion ou triple invocation au Dieu trois fois saint, en grec et en latin.
Agios o Theos
Sanctus Deus |
Dieu Saint
Dieu Saint |
Ensuite deux voix du 1er chœur chantent :
Quia edúxi te per desértum quadragínta annis…
Est-ce parce que je t’ai conduit dans le désert pendant quarante ans, que je t’ai nourri de la manne et que je t’ai fait entrer dans une terre excellente que tu as préparé une Croix à ton Sauveur ?
Et les deux chœurs reprennent alternativement Agios o Theos, etc.
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Les Impropères (deuxième partie)
La seconde partie des Impropères (ou petits Impropères) se poursuit par des petits versets psalmodiés sur une mélodie très simple. C’est toujours Notre Seigneur qui s’adresse à son peuple, et chaque verset comporte deux phrases commençant par « ego » = moi et « et tu » = et toi, suivies par la reprise de l’antienne du début, Pópule meus, véritable refrain de tous ces Impropères, avec cette envoûtante mélodie, grave, triste, mais pénétrée de tendresse.
Dieu rappelle tous les bienfaits qu’il a accomplis et rappelle toutes les indignités dont il a été accablé. Les chantres de Solesmes n’ont retenu que 4 des 9 versets qui peuvent être chantés :
Ego propter te flagellávi Ægýptum cum primogénitis suis : et tu me flagellátum tradidísti.
J’ai frappé, à cause de toi, l’Égypte avec ses premiers-nés, et tu m’as livré pour être flagellé.
Ego edúxi te de Ægýpto, demérso Pharaóne in Mare Rubrum : et tu me tradidísti princípibus sacerdótum.
Pour te tirer de l’Égypte, j’ai englouti Pharaon dans la mer Rouge, et tu m’as livré aux princes des prêtres.
Ego ante te apérui mare : et tu aperuísti láncea latus meum.
Je t’ai ouvert un passage à travers les flots, et tu m’as ouvert le côté avec une lance.
Ego ante te præívi in colúmna nubis : et tu me duxísti ad prætórium Piláti.
J’ai marché devant toi comme une colonne lumineuse, et tu m’as mené au prétoire de Pilate.
Ce sont les moines de l’abbaye de Solesmes qui chantaient ces sublimes pièces grégoriennes. Ils étaient dirigés, en 1959, par Dom Joseph Gajard. Joris-Karl Huysmans fréquenta une autre abbaye bénédictine, Ligugé, où il entendit cette liturgie céleste. Laissons-le conclure :
Ce temps de la sainte quarantaine était, au point de vue liturgique, admirable ; la tristesse y allait grandissant chaque jour, avant que d’éclater en les lamentables impropères, en les douloureux sanglots de la Semaine sainte (Huysmans L’Oblat, t. 2, 1903, p. 42)
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La fonction liturgique de l’après-midi du Vendredi saint se poursuit avec l’antienne Crucem tuam, ancien chant byzantin :
Nous adorons votre Croix, Seigneur, et nous louons et glorifions votre sainte résurrection, car c’est par ce bois que la joie s’est répandue dans l’univers entier.
Puis c’est le début du verset du psaume 66 Deus misereátur nostri qui sera psalmodié avant la reprise de l’antienne :
Que Dieu ait pitié de nous et qu’il nous bénisse, que la lumière de sa face brille sur nous et qu’il ait pitié de nous.
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Nous achèverons notre émission avec la dernière partie des Impropères qui commence par une antienne.
Crux fidélis, inter omnes arbor una nóbilis….
Croix fidèle, arbre unique, noble entre tous ! Nulle forêt n’en produit de tel par ses feuilles, ses fleurs et ses fruits !
Dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus sústinet.
Douceur du bois, qui d’un doux clou, porte un si doux fardeau.
Puis l’on chante l’hymne Pange língua gloriósi dont les paroles sont de Venance Fortunat, à ne pas confondre avec l’autre Pange língua que Saint Thomas d’Aquin composa pour la Fête-Dieu.
Le texte de celle que nous chantent les moines diffère très légèrement de celui de nos livres.
Pange, língua, gloriósi prœlium certáminis….
Chante, ma langue, le combat, la glorieuse lutte ; dis le noble triomphe du trophée de la Croix : le rédempteur du monde, immolé, est vainqueur.
On répète l’antienne Crux fidélis jusqu’à Dulce lignum.
Nous n’entendrons que la strophe suivante :
Le créateur, attristé de l’égarement du premier père, précipité dans la mort en mordant le fruit néfaste, choisit lui-même un arbre pour réparer l’arbre de mort.
Puis la reprise se fait cette fois à partie de Dulce lignum.
Et l’on achèvera avec la conclusion qui ne doit pas être omise quand l’hymne est chantée.
En voici la traduction dans la version des moines de Solesmes :
Gloire et honneur à Dieu au plus haut des cieux, à la fois au Père et au Fils et au saint Paraclet : à qui est la louange et la puissance pour les siècles éternels.
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