Pour les chefs de chœur et choristes
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Nous vous proposons ci-dessus l’écoute des cinq pièces du propre de cette messe de l’Immaculée Conception dans un enregistrement exceptionnel par le chœur de Saint-Benoît-du-Lac, sous la direction de Dom Georges Mercure, en 1947. C’est ensuite les moines de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault qui nous accompagneront dans l’émission avec commentaires. Le disque avait paru en 1987 et est en vente sur notre Boutique en ligne ICI.
Dimanche 8 décembre 2024
In Conceptione Immaculata B. Mariæ Virginis
Fête de l’Immaculée Conception de la Bse Vierge Marie
IIe classe
Le 8 décembre, nous célébrons la fête de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.
Précisons tout d’abord que le mot conception ne fait nullement allusion, comme nous l’avons déjà entendu par erreur, à la façon dont Notre Dame devint la mère de Jésus.
L’Immaculée Conception désigne l’état de sainteté dans lequel fut conçue notre Mère du Ciel parce que son âme n’eut jamais la souillure du péché originel.
C’est un sublime privilège que ce jour de joie célèbre, ce jour de fête élevé par l’Église à une fête de 1e classe qui l’emporte sur le dimanche et qui permet au prêtre de quitter les ornements violets de l’Avent pour la couleur blanche.
Dom Pius Parsch écrivait dans son « guide dans l’année liturgique » de 1935 : « Dans son origine et son principe, cette grande fête de l’Église n’avait aucune relation avec l’Avent. Elle fut fixée au 8 décembre pour tenir compte des 9 mois qui la séparent de la Nativité de la Sainte Vierge (Le 8 septembre). Cependant, il est facile de faire rentrer cette fête dans les pensées de l’Avent.
En ce temps où nous attendons le Sauveur, cette fête est comme l’aurore du soleil de Noël qui se lève. C’est pour nous une vraie fête de l’Avent ».
C’est le 8 décembre 1854 que le Bienheureux Pape Pie IX proclamait officiellement ce dogme de l’Immaculée Conception.
En ces temps difficiles que nous vivons, il est consolant à nos cœurs de chrétiens et de Français que par deux fois sur notre terre de France, la Sainte Vierge ait voulu révéler elle-même son Immaculée Conception.
– le 27 novembre 1830 à sainte Catherine Labouré
– le 25 mars 1858 à sainte Bernadette à Lourdes, 4 ans après la définition du dogme qui, faut-il le préciser, ne fut pas une doctrine nouvelle. Elle était implicitement contenue dans la croyance des chrétiens de tous temps à la maternité divine et à la parfaite pureté de Marie.
Comme annoncé, ce sont les moines de l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, en 1947, qui interprétaient les cinq pièces du propre de cette messe de l’Immaculée Conception . Nous nous devons plus d’explications sur cet enregistrement exceptionnel. Le CD avait paru en 2012 mais a vite disparu. Il s’intitulait RYTHMIQUE GRÉGORIENNE. Le coffret de quatre disques couvraient la totalité des productions enregistrées par le chœur de Saint-Benoît-du-Lac, sous la direction de Dom Georges Mercure, au cours des années 1935 à 1948. Presque toutes ces réalisations, sauf la « Rythmique Grégorienne I» et la messe « Cibavit » furent rééditées vers les années 1960 sur microsillons, désormais introuvables ! Vous lirez en bas de cette page la recension que nous avions rédigée de ce coffret à sa sortie en 2012 (N° 283 de la revue Una Voce).
Ce coffret n’a pas été réédité. On le trouve d’occasion sur la Toile…
– Le site Introibo pourra vous procurera d’intéressants commentaires de Dom Guéranger, Dom Baron, Dom Schuster…
– Vous pouvez accéder, à la fin de cette page, au lien qui vous permettra d’obtenir la partition du psaume de communion que nous vous recommandons d’interpréter en alternance avec l’antienne.
► Introït : Gaúdens gaudébo.
Le propre grégorien de la fête de l’Immaculée Conception a été composé après la proclamation du dogme en 1854.
C’est Dom Joseph Pothier qui le composa. Entré à l’Abbaye de Solesmes en 1860, il mourut en Belgique en 1923, – clin d’œil de la Providence ! – le 8 décembre à 88 ans.
C’est de nouveau le prophète Isaïe que nous trouvons souvent en ce temps de l’Avent, qui inspire le texte de l’introït Gaúdens gaudébo.
En voici la traduction :
Je me réjouirai d’une grande joie dans le Seigneur et mon âme exultera en mon Dieu car il m’a revêtu des vêtements du salut et il m’a entouré du manteau de la justice, comme une épouse parée de ses bijoux.
Il est intéressant de noter que, comme le rapporte saint Luc, Notre Seigneur lut ce passage du prophète à la synagogue et il conclut : « Aujourd’hui vos oreilles ont entendu l’accomplissement de cet oracle ». L’on songe aussi bien sûr à la joie qu’exprima la très Sainte Vierge, presque dans les mêmes termes, en son Magnificat.
La mélodie de cet introït est en grande partie calquée sur celle de l’introït du Ve dimanche après Pâques, Vocem jucunditátis. Y sont exprimés le même enthousiasme, la même joie intérieure, le même souffle ardent.
Le calque est très réussi, comme l’écrit Dom Baron.
Cet introït est accompagné par le premier verset du psaume 29, cantique d’action de grâces au Seigneur pour le remercier d’un grand bienfait :
Exaltábo te, Dómine, quóniam suscepísti me
Je vous glorifierai Seigneur car vous m’avez relevé
Nec delectásti inimícos meos super me.
Et vous n’avez pas laissé mes ennemis se réjouir à mes dépens.
► Graduel : Benedícta es tu
Le texte du graduel de la fête de l’Immaculée Conception nous vient du livre de Judith. L’Église y applique à la Vierge Marie les louanges et les acclamations que le peuple d’Israël avait adressées à cette femme courageuse et inspirée qui l’avait délivré de son cruel ennemi.
Benedícta es tu, Vírgo María, a Dómino Deo excélso, præ ómnibus muliéribus super terram.
Vous êtes bénie Vierge Marie par le Seigneur Dieu Très-Haut avant toutes les femmes qui sont sur la terre.
Tu glória Jerúsalem,
Vous êtes la gloire de Jérusalem,
Tu lætítia Ísrael,
Vous êtes la joie d’Israël,
Tu honorificéntia pópuli nostri.
Vous êtes l’honneur de notre peuple.
Sainte Élisabeth, au jour de la Visitation, fut la première à reprendre pour la Sainte Vierge cette parole que nous lui répétons chaque jour dans l’Ave María : vous êtes bénie entre toutes les femmes. Bien entendu Jérusalem, Israël, ou « notre peuple » c’est toujours l’Église.
La mélodie est calquée note pour note sur celle du graduel Constítues eos de la fête des saints Pierre et Paul. Son caractère joyeux, bien affirmé et en même temps très gracieux, convient tout à fait à ce texte.
► Alléluia : Tota púlchra es, María
Après le prophète Isaïe et le livre de Judith, c’est un troisième livre de l’Ancien Testament que l’Église utilise dans le texte de l’alléluia de la fête de l’Immaculée Conception : le Cantique des cantiques, poème d’amour qui symbolise l’union mystique de l’âme avec son Dieu.
C’était un compliment de l’époux à l’épouse.
Tu es toute belle mon amie et il n’y a pas de défaut en toi.
Il suffit de remplacer « mon amie » par « Marie » et rajouter « originelle » à mácula ≈ tache, défaut pour obtenir le texte suivant :
Tota púlchra es, María
Vous êtes toute belle, ô Marie,
Et mácula originális non est in te.
Et il n’y a pas en vous de tache originelle.
La mélodie est celle d’un ancien alléluia qui avait disparu du répertoire et qui a été heureusement ressorti pour la circonstance, car elle est d’une beauté légère et gracieuse tout à fait digne de celle à qui elle s’adresse.
► Offertoire : Ave María
Poursuivons, après l’alléluia, l’écoute des chants de la fête de l’Immaculée Conception avec l’offertoire, dont le texte bien connu est l’Ave María, mais sans le Et benedíctus fructus ventris tui pour mieux valoriser la seule beauté sans tache de Notre Dame.
Et c’est bien sûr ce passage de saint Luc qui vient d’être lu à l’Évangile.
Dom Pothier a cette fois composé une mélodie originale. Il a mis en valeur les deux mots grátia plena : pleine de grâce et il l’écrit d’ailleurs dans la Revue du Chant Grégorien tome 16.
« Il était bon de faire valoir cet objet principal du mystère ».
► Communion : Gloriósa
L’antienne de communion de la fête de l’Immaculée Conception unit dans ses deux phrases l’Ancien et le Nouveau Testament.
Gloriósa dicta sunt de te, María
Des choses glorieuses ont été dites de vous Marie ;
Quia fecit tibi magna qui potens est.
Car le Tout-Puissant a fait pour vous de grandes choses.
On a reconnu dans la deuxième phrase un verset du Magnificat ; on y retourne à la Sainte Vierge ce qu’elle disait d’elle-même en renvoyant toute la gloire à Dieu pour les merveilles accomplies en elle. Ce sont d’ailleurs 2 versets de ce Magnificat que les Bénédictines vont psalmodier avant de reprendre à chaque fois l’antienne.
Quant à la première phrase, elle utilise un verset du psaume 86 à la gloire de Jérusalem, la cité sainte, figure de l’Église, et nous retrouvons ici la même inspiration que dans l’introït Gaúdens gaudébo.
La mélodie a été reprise, à peu de chose près, à la communion Dico autem vobis de la messe de plusieurs martyrs. C’est une antienne toute simple, légère, très gracieuse.
Le site nord-américain Musica Sacra nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette antienne de communion. C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter..
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RYTHMIQUE GRÉGORIENNE
Moines bénédictins de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac (Canada)
(Dom Georges Mercure/1905-1993)
C’est à l’occasion des achats avant les fêtes de Noël de l’année 2011 que j’ai pu me procurer l’extraordinaire document que constitue ce coffret de 4 CD. Le livret de présentation de 30 pages nous brosse un tableau historique fort intéressant de l’abbaye québécoise de Saint-Benoît-du-Lac.
Extrayons-en quelques éléments. L’abbaye de Saint-Wandrille, fondée en 1894 par celle de Ligugé (elle-même filière de Solesmes), dut évacuer ses moines en Belgique lors des expulsions de 1901.
L’un d’eux, Dom Paul Vannier, arriva au Canada, en 1912, sur les bords du lac Memphrémagog et acquit une propriété. C’était le début de Saint-Benoît-du-Lac. En 1914, le fondateur disparaissait tragiquement, noyé dans le lac et la grande guerre coupa toutes communications avec l’abbaye-mère. Mais les moines maintinrent la vie, certes précaire, de la fondation. Un jeune homme de 18 ans se présenta au monastère, en janvier 1924, pour y débuter sa vie monastique. Il se nommait Georges Mercure. Originaire de Drummondville, né le 19 juin 1905, il était déjà musicien avant son entrée au monastère.
La communauté naissante n’ayant pas toutes les ressources nécessaires pour la formation de ses jeunes recrues, elle devait à cette époque, compter sur l’Abbaye de Saint-Wandrille pour le cursus des études philosophiques et théologiques. Quand le frère Mercure arrive sur le Vieux Continent, en août 1926, la communauté de Saint-Wandrille est de retour en France depuis près de deux ans. Ordonné prêtre en juillet, il s’est inscrit à la Schola Cantorum de Paris pour l’année académique de 1932-1933. L’événement décisif fut, selon lui, une session de chant grégorien donnée à l’Abbaye Sainte-Marie de Paris par Dom Gajard, maître de chœur de Solesmes et disciple de Dom Mocquereau. Dom Mercure devint alors un adepte inconditionnel de la méthode et du style de Solesmes.
Nous ne nous étendrons pas sur les divergences entre l’abbaye de Saint-Wandrille et Dom Pothier d’une part, et Solesmes et Dom Mocquereau d’autre part. Force est d’admettre qu’elles furent sérieuses. Deux écoles se formèrent ayant chacune sa revue, « La Revue du Chant Grégorien », « La Revue Grégorienne » ; ses institutions, « La Schola Cantorum », « L’Institut Grégorien ». À Saint-Benoît-du-Lac, comme les fondateurs étaient des moines de Saint-Wandrille, on chantait à la « Dom Pothier ». Mais Dom Mercure adopte, en France, la « Méthode de Solesmes », sans doute après un séjour en l’abbaye sarthoise. Il rentra définitivement à Saint-Benoît-du-Lac en juillet 1933, et Dom Léonce Crenier, le prieur de l’époque, le nomma sans tarder maître de chœur le 19 août de la même année, avec la mission de faire chanter les moines « à la Solesmes ».
En 1935, le Père Mercure projeta de mettre sur disque, ce qui était tout à fait novateur pour l’époque, un cours de chant grégorien illustré par des exemples. Ce document sonore irait de pair avec une méthode destinée au cours secondaire : la « Rythmique Grégorienne ». Imprimée sur « Les presses de l’Action Catholique » à Québec en 1937, elle fut revue et corrigée en 1944, puis rééditée en 1952.
La renommée du monastère s’étendit rapidement, et celui-ci devint jusque vers le milieu des années 1960, un haut lieu de formation pour les chantres et maîtres de chapelle du Québec, et parfois d’ailleurs. Le Père Mercure dut même, à cette époque, s’absenter souvent pour donner des cours et des conférences à l’extérieur du monastère.
Les enregistrements de disques se poursuivirent. En 1944, parut la « Messe des défunts » et en 1947, la « Messe de l’Immaculée Conception » et les « Cantus Mariales ». vint ensuite la « Messe du Sacré-Cœur » et, le 5 juillet 1948, eut lieu l’enregistrement de la « Messe du Saint-Sacrement », qui ne fut jamais éditée. Elle doit donc sa première publication au présent coffret.
Dom Mercure, prieur du monastère depuis janvier 1944 démissionna pour des raisons de santé en août 1951 et Saint-Benoît-du-Lac devint « abbaye » l’année suivante.
On retrouve, par la suite, Dom Georges Mercure en France, à Fontainebleau en 1953, comme organiste et vicaire de paroisse. À l’automne, il commence à suivre des leçons d’écriture musicale avec Nadia Boulanger, leçons qu’il poursuivra durant deux années. Olivier Messiaen aurait été également impressionné par la « Rythmique Grégorienne ».
Dom Mercure revint définitivement au pays en novembre 1956. Il décéda le 24 août 1993 et ses obsèques furent célébrées à l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac où il fut inhumé.
Les présents enregistrements couvrent la totalité des productions enregistrées par le chœur de Saint-Benoît-du-Lac, sous la direction de Dom Georges Mercure, au cours des années 1935 à 1948. Presque toutes ces réalisations, sauf la « Rythmique Grégorienne I» et la messe « Cibavit » furent rééditées vers les années 1960 sur microsillons.
Doit-on ajouter qu’il s’agit de documents exceptionnels ? L’interprétation approche, comme on peut s’y attendre, la perfection.
On a vite oublié l’état de l’enregistrement, le souffle, le son un peu « creux » caractéristique de ces repiquages de 78 T. Il faut écouter, plage 25 du quatrième et dernier disque le sublime offertoire de la messe du Sacré-cœur Impropérium. On ne peut rester insensible à ses déchirantes cadences en demi-ton.
Précisons que le CD 1 inclut un livret de 160 pages que les internautes peuvent imprimer au format PDF. Il s’agit de l’ensemble de la méthode et sa lecture en est passionnante tant transparaît le sens pédagogique qui animait Dom Mercure. Les 23 plages de ce premier disque restituent des extraits de ses cours. C’est émouvant. Nous sommes en 1936. Ces élèves-moines découvrent manifestement la prière chantée : c’est ce que l’on ressent dans les répétitions. Le maître de chœur les tance : « Vous êtes partis trop tard ! », « Bien trop lourd ! », « Le mi est faux en raison de la paresse de vos voix !… » etc.
Les enregistrements des autres disques, tous postérieurs, montrent combien ils ont progressé… Tout amateur de chant grégorien se soit de posséder ce coffret historique. Une merveille !
Patrick Banken (in Revue Una Voce – N° 283 de mai / juin 2012 )