Les concerts dans les églises
Texte adopté par le Conseil permanent de l’épiscopat français le 13 décembre 1988
1 – Notre époque voit se développer les manifestations culturelles de toutes sortes, et particulièrement les concerts. Pour diverses raisons, les demandes d’utilisation des églises afin d’y tenir de telles manifestations se sont multipliées depuis quelques années. Devant un tel phénomène, la position de l’Eglise est claire :
- d’une part elle se réjouit de tout ce qui peut élever l’homme selon le projet de Dieu et contribuer à l’ouvrir aux valeurs spirituelles présentes dans la culture (cf. Constitution du Concile Gaudium et spes n°57).
- d’autre part, elle a reçu mission de préserver le caractère sacré des lieux de culte, qui sont les signes visibles de l’Eglise en chemin sur la terre et de l’Eglise établie dans les cieux (cf. Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen gentium n°8 ).
2 – Une récente note de la Congrégation pour le Culte divin a proposé » quelques éléments de réflexion et d’interprétation des normes canoniques (pour) aider chaque évêque à prendre les décisions pastorales valables, en tenant compte de la situation socioculturelle environnante » (Congrégation du culte Divin 5 nov. 1987)
Pour apprécier la portée exacte de cette note, il a paru nécessaire d’en faire l’application à la situation en France, dans le respect des lois ecclésiastiques (Can. 1210, 1213 et 1222 ; et la note de Congrégation) et des lois civiles régissant l’utilisation des lieux de culte qui sont devenus propriété de l’Etat et des communes.
Il appartient à chaque évêque, conformément au droit, de déterminer des normes plus précises.
Principe
3. L’Eglise est la maison du Peuple de Dieu, où il se rassemble pour écouter la Parole, prier en commun, recevoir les sacrements, célébrer l’Eucharistie. C’est aussi le lieu où chacun peut venir se recueillir et adorer la présence du Seigneur. C’est enfin un bâtiment, souvent prestigieux, que l’art et la foi de nos ancêtres nous ont légué et qui doit demeurer libre pour la visite. Signes visibles d’une réalité invisible » les églises ne peuvent être considérées comme de simples lieux publics, disponibles pour des réunions de tout genre. Ce sont des lieux sacrés, c’est-à-dire ‘mis à part’, de manière permanente pour le culte rendu à Dieu « . (cf note de la Congrégation, n°9).
Le respect de cette identité est un principe fondamental auquel on doit se tenir : « Quand les églises utilisées pour des fins différentes de celles qui leur sont propres, leur caractéristique de signe du mystère chrétien est mise en danger, avec des dommages plus ou moins graves pour la pédagogie de la foi et la sensibilité du Peuple de Dieu, comme le rappelle la parole du Seigneur : ‘Ma maison est une maison de prière’ (Lc 19,46) » (cf note de la Congrégation, n°9).
4. Dans cet esprit, ne pourront être admis dans les églises que des manifestations ou des concerts compatibles avec le caractère particulier de ces lieux, comme le demande clairement le Code de Droit Canonique : « Ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu. Cependant, l’Ordinaire peut permettre occasionnellement d’autres usages qui ne soient pourtant pas contraires à la sainteté du lieu » (Can. 1210).
Afin de faciliter le discernement d’une telle compatibilité, il sera bon que le clergé affectataire, régulièrement nommé par l’évêque et habilité à donner l’autorisation, soit aidé par une Commission diocésaine désignée à cet effet.
5. On acceptera en priorité et on facilitera les concerts d’œuvres faisant partie de la tradition musicale de l’Eglise universelle et qui nous ont été léguées comme » un trésor d’une valeur inestimable » (Concile Vatican II, Constitution Sacrosanctum Concilium n°112). Ces musiques comportent, en effet, des caractéristiques et des enjeux qui correspondent tout à fait à la finalité des églises (Note de la Congrégation). Mais on pourra également accueillir d’autres types de musiques, de façon occasionnelle, du moment qu’elles ne s’opposent pas au caractère particulier du lieu. Dans tous les cas, on aura soin de veiller à l’observation des règles en vigueur et on fera en sorte que l’église ne puisse jamais être considérée comme une salle de spectacle ordinaire (Loi de 1095, art. 13 : la désaffectation pourrait être prononcée » si les édifices sont détournés de leur destination « ).
Application
6. Toute demande d’utilisation d’une église pour une manifestation artistique débordant le cadre culturel devra être faite par écrit au clergé affectataire et accompagnée des indications précisant la date et l’heure de la manifestation, l’identité de l’organisme demandeur, les raisons invoquées, le programme prévu, les conditions d’exécution, la souscription d’une assurance particulière et les conditions d’entrée. Aucune publicité ne pourra être faite avant l’accord signé par le clergé affectataire, sur l’avis de la Commission diocésaine dont il a été question au n° 4.
7. L’organisateur s’engagera à faire observer les règles de bonne tenue à l’intérieur de l’église, à respecter les lieux (en particulier l’autel, ainsi que le sanctuaire) et à les remettre ensuite en ordre ou a réparer les dégâts éventuels
- Il conviendra le plus souvent que soient notifiées par écrit les exigences auxquelles devront se soumettre l’organisateur et les participants, en particulier : l’interdiction de fumer, y compris dans les dépendances ; la nécessité d’une bonne tenue et d’un comportement corrects ; le respect dû à l’autel, à l’ambon, au siège présidence, au tabernacle (il convient alors de conserver le Saint-Sacrement dans un autre endroit approprié), et en général à tout le sanctuaire ; la remise en état des lieux ( cf. note de la Congrégation, n°10).
Pour éviter tout détournement de la destination première de l’église, il n’y aura pas d’autorisation de manifestations qui empêcheraient l’exercice normal du culte (par exemple, pour un festival ou un cycle de concerts, avec répétitions, exécutions et installations techniques durables). De même, il ne sera souscrit aucune convention d’utilisation régulière de l’église avec un quelconque organisme.
8. C’est en raison même de leur caractère particulier de lieu de l’Alliance entre Dieu et les hommes que l’accès des églises doit rester libre et gratuit, comme le rappellent les lois écclésiastiques (Can. 1221). Une telle disposition ne signifie pas, bien sûr, qu’il ne faille pas se préoccuper d’accorder aux artistes et musiciens la juste rémunération à laquelle ils ont droit. C’est pourquoi les organisateurs de concerts se doivent de trouver les sources de financement permettant de rétribuer, comme il convient, les différents interprètes ou artisans de la manifestation.
Etant donné la diversité des situations, il n’est pas possible d’ériger des normes valables pour toute la France. S’il le juge bon, l’Ordinaire pourra permettre que soit perçue une participation individuelle aux frais, en veillant à ce que les fidèles puissent venir librement prier aux heures habituelles d’ouverture de l’église.
Les organisateurs devront rembourser aux responsables de l’église les dépenses occasionnées par la tenue du concert : chauffag, électricité, entretien…
9. Les règles précédemment énoncées ne visent pas les » concerts spirituels » qui peuvent comporter des lectures ou des moments de méditation silencieuse, et dont les lieux de culte constituent le cadre naturel (cf. note de la Congrégation). Cependant, pour souligner le caractère exceptionnel d’autres types de concerts acceptés dans une église, il sera souvent opportun que le curé, ou un membre qualifié de la communauté chrétienne locale, accueille les participants et expose les raisons qui ont conduit à l’autorisation d’une telle manifestation dans l’église même. De même, il est souhaitable qu’un commentaire discret et approprié, réalisé par une personne compétente sous forme orale ou écrite, puisse mettre en valeur la cohérence de l’œuvre avec le lieu où elle est exécutée (cf. note de la Congrégation).
10. Toutes ces dispositions ont pour but de mettre de la clarté et du bon sens dans une situation devenue parfois conflictuelle en France. Chacun comprendra, nous l’espérons, la nécessité qui nous a poussés à faire respecter le caractère particulier des églises, tout en y accueillant ce témoignage inestimable de la culture humaine que constituer la musique. Notre société, en effet, ne peut qu’y gagner, lorsqu’une œuvre est éxecutée dans le cadre pour lequel elle a été composée, et lorsqu’une église ne cesse pas de signifier sa seule raison d’être : la gloire de Dieu et le salut des hommes.