Introït Intret orátio mea (III, mi authente)
Introït du Trente-deuxième dimanche du Temps Ordinaire
Ps 87, 3
A/ Intret orátio mea in conspéctu tuo: * inclína aurem tuam ad precem meam Dómine
Ps 87, 2
V/ Dómine Deus salútis meæ: * in die clamávi, et nocte coram te.
A/ Que ma prière vienne en ta présence : tends l’oreille à ma supplication, Seigneur
V/ Seigneur Dieu de mon salut; j’ai crié jour et nuit devant toi.
Le chant de l’introït, nous le savons, tient son nom du mouvement qu’il accompagne : la procession d’entrée de la messe ; l’entrée du prêtre et des ministres, s’avançant au cœur de la nef, au milieu du peuple de Dieu rassemblé, jusqu’au chœur et à l’autel. Ce corps rassemblé à l’appel du Seigneur – c’est le sens même du mot ἐκκλησία – forme l’Église et c’est elle, comme ce peut être chacun de nous, qui demande que sa prière (orátio mea) entre et parvienne (intret) en présence du Seigneur auquel elle s’adresse (in conspéctu tuo). Les psaumes nous rendent familiers de cette communication profonde entre le « nous » du corps et le « je » singulier de ceux qui le composent.
Comme nombre de pièces du troisième mode, nous entonnons sur la quarte ré-sol, élargie ici (pes carré en St Gall, non ligaturé en Laon) comme pour souligner le caractère impératif du subjonctif intret. Et toute la première partie de la pièce reste dans la tessiture haute du mode, ne permettant presque pas de le reconnaître dans un premier temps, surtout lorsque, comme c’est le cas ici, la tonique primitive du troisième mode, le si, a entièrement cédé la place au do, moins sensible. Ce n’est que dans la deuxième phrase que le si se fera entendre plus nettement, et enfin le mi.
La première phrase, tout entière entre sol et do avec quelques ré ornementaux, est fluide et l’on évitera de marquer la demi-barre que l’on trouve dans les notes carrées : l’épisème qui marque la clivis finale la–sol de mea (sol pointé dans le notes carrées) est expressif mais marque une liaison plutôt qu’une coupure; liaison qui conduit la voix et la prière à celui à qui elle s’adresse. Qu’elle entre en ta présence, in conspéctu tuo : par un épisème et un mélisme sur –spé- et un pes carré sur –ctu, le chant se fait plus large en réclamant la présence du Seigneur, le vis-à-vis, en réclamant d’être à la portée de son regard (c’est le sens premier du mot conspéctu). Comme souvent lorsqu’une phrase introduit un discours direct, plutôt que de se clore sur la tonique ou une corde secondaire, elle reste en suspens sur la dominante, ici le do de tuo.
L’impératif de la demande qui s’ouvre est très sensible à l’oreille : large double do initial (double virga en St Gall, double uncinus avec augete en Laon) sur in-, sommet mélodique mi qui fait sonner l’octave de la fondamentale mi et descente par la sensible si sur –clí-, clivis finale do–si épisémée sur –na. Inclína, littéralement, incline ton oreille, tends-la vers la terre, vers mon humble prière. Ici encore une fois on évitera de marquer le quart de barre, voire se passera de pointer le la final de tuam (rien n’y prête dans les neumes) pour garder la destination de l’action qu’exprime le verbe : au début de la pièce il s’agissait de la personne à laquelle s’adresse la prière (intret > in conspéctu tuo) ; ici il s’agit du lieu où l’orant appelle le Seigneur à tendre l’oreille : à sa supplication (inclína > ad precem meam).
Et la voix, comme le regard, descend, fait entendre, enfin, le mi fondamental de la pièce. D’abord par le salicus initial de precem qui conduit très vite aux deux cordes sol et do qui forment le pes carré de precem, pour redescendre par ces mêmes cordes au mi dans le nom du Seigneur auquel nous nous adressons, Dómine.
Dans le verset nous chantons ce que le psaume 87(88) chante en réalité avant les paroles de notre antienne et qui est prémisse de notre antienne : la reconnaissance que le Seigneur est le Dieu de notre salut et l’expression patiente de la prière, jour et nuit, à l’image de l’endurance dans la charité à laquelle saint Paul nous exhorte dans le deuxième lecture de ce dimanche tirée de la seconde épître aux Thessaloniciens.